C'était une journée comme les autres.
La chaleur étouffante qui régnait en maître depuis toujours dans les locaux ne semblait en rien présager les événements qui allaient arriver. Et pourtant, çela allait arriver.
Encore aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi je ne l'ai pas sentit venir. Ou plutôt, pourquoi je ne l'ai pas compris. Suivit la voie que me donnaient les signes. M'enfuir.
Le changement arrivait.
L’implication
Cycle V
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" Agent très spécial Nicolas Baudelaire, Identifié"
On était vendredi, et comme tous les vendredi, malgré la chaleur arasante qui régnait en maître, les locaux de l'Agence vénusienne du Centre de Recherches à la Sécurité et la Protection étaient bondés. C'était un phénomène pour le moins étrange d'ailleurs, car l'organisme ne devait compter que 300 employés à tout casser. Etait-ce dût à la chaleur ou aux étroits couloirs, je n'en savais rien, mais ce lieu me paraissait toujours plein à craquer.
Un garçon à l'air juvénile et moqueur, aux cheveux bouclés, et d'une taille suffisamment petite pour que je lui enfonce mon poing dans la figure sans risquer de représailles ricana à mon passage, et je m'arrêtais pour le dévisager. Il était assit paresseusement sur une chaise au beau milieu de l'entrée, inconscient comme à son habitude de gêner toute la circulation.
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- Alors, Bamcok, on travaille ? Me demanda-t-il.
- Apparemment, certains non, figes-je remarquer en lui baillant à la figure, avant de reprendre mon chemin vers l'ascenseur.
Asher mit ses mains en porte-voix, et je distinguais sa voix tout en montant dans l'ascenseur :
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"Un conseil : fie-toi aux signes, Bamcok ! Ca pourrait bien te servir un jour !"
Je levais les yeux au ciel, et la porte se referma dans un bruit de métal.
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"Vous vous apprêtez à entrer dans : Niveau 1, secrétariat, section de formation. Passez une bonne journée."
Je sortis de l'ascenseur et, bousculant au passage Thelma Lauvin en pleine conversation avec Cli Oh, je pris le couloir allant vers l'est.
Les bâtiments du CRPS ressemblaient trait pour trait à ceux de la Barhanoff, qui eux-mêmes ressemblaient trait pour trait à ceux d'une maison à l'autre bout d'Aylan qui elle-même ressemblerait trait pour trait à l'épicerie du coin. Sous terre, tout se ressemble. Les mêmes murs rouge-orangé, les mêmes couloirs interminables, les mêmes caméras postées tous les 10 mètres, la même chaleur. Le cauchemar vénusien. Le labyrinthe ocre en bas, l'enfer vert en haut. Ici, on se croyait dans la 4ème dimension. Quand l'ère industrielle battait son plein au-dehors, sur Aya la consommation en était réduite à son plus strict nécessaire.
Pas de viandes, pas de poissons. Tous les mêmes tenues. La même quantité d'eau par personne. Pareil pour le plastique, ou encore l'électricité. Les seuls qui étaient restés étaient ceux qui vivaient dans ce monde depuis le débout. Les autres avaient fuit la chaleur pour l'industrie ; et le froid. Mais on ne pouvait guère leur en vouloir.
Se faire à ce monde était presque impossible.
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"Hey, Nicky, tu joues aux snobinards ?"
Je tournais la tête soudainement, conscient d'avoir été interpellé et découvrit March Meyer, un paquet de toile à la main, tentant de retenir un flot de petites numéros en bois qui s'échappait du sac par un trou qu'elle n'avait sans doute pas vue au premier abord. Je m'arrêtais de marcher, affichant mon sourire colgate de circonstance, puis lui fit un signe de la main.
-
- Bien le bonjour à toi, March, mais je te conseillerais de surveiller ta fuite… Certains de tes "prisonniers" se… font la malle, comme dirait l'Heure H.
March s'arrêta et tournant la tête vers l'arrière, chercha du regard les chiffres qui étaient passés au travers du sac malgré tous ses efforts pour les contenir. Soupire; en gentleman qui se respect, je me dirigeais d'un pas lent vers la zone d'atterrissage ramasser les morceaux de bois façonnés. Un un, un huit, et un zéro gisaient là, sur le sol, côte-à-côte.
Sans savoir pourquoi, cela me mit mal à l'aise, et il y eu un instant de battement, avant que je ne me penche finalement pour les ramasser. Pendant ce temps, March était déjà arrivée à ma hauteur et me tendit une main tout en essayant de ne pas subir d'autres pertes au niveau de son chargement. Je les laissais tomber dans sa paume moite, tentant tant bien que mal à dissiper l'étrange impression que je ressentais.
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- Merci Nicky ! Bon, c'est pas tout, mais Tai me harcèle depuis 5 jours à cause de ces fichus machins en bois, alors il serait peut-être temps que je les lui apporte. A plus !
Je hochais la tête tout en suivant du regard la silhouette rousse de March disparaître dans un couloir partant vers la droite, avec l'étrange impression d'avoir laisser passer quelque chose d'important.
Quelques dizaines de pas plus tard, je passais enfin la porte d'acier du secrétariat, presque vide à cette heure. Je vis Marie-Angela laisser sa fille à January de l'autre côté de la pièce, Allen occupé avec un homme doté d'une moustache impressionnante, et quelques autres personnes tel que Malcolm et Milena, mais mise à part eux, la pièce semblait comme d'habitude trop calme par rapport aux gens qu'elle abritait. Je me dirigeais donc en baillant vers le poste de Kaya qui semblait profondément absorber dans le processus du "mettage-de-vernis-za-ongle-sur-mes-zongles", tandis que, à ma droite, la porte d'acier s'ouvrait, et que Carlson entrait.
-
- Toujours aussi surmener à ce que je vois, Kaya.
La Cardineli scruta l'ongle qu'elle venait de finir, puis, satisfaite du résultat, reboucha sa bouteille de vernis et la rangea dans un tiroir, avant de se lever de sa chaise.
-
- Tu n'as pas idée, Nicky Baby ! Si ça continue, il va falloir que j'arrive à l'heure le matin. Depuis que là-haut, on a annoncé qu'Aylan allait fermer ses frontières, tous ceux qui souhaitent partir vers les planètes capitalistes doivent se faire enregistrer. J'ai l'impression d'être plus une personne normale qui travaille plutôt que de quelqu'un qu'on paye pour rien, ces derniers temps… Ca peut pas continuer.
- Pauvre chou, ricanais-je, cela doit être insurmontable…
- Tu n'as pas idée, soupira Kaya. Mais, plus sérieusement, je commence à me demander ce qui va se passer… Tout le monde part… Je serais curieuse de savoir à quoi ressemblera notre future…
"Nicky baby ?"
Je sursautais en revenant sur terre. Kaya me dévisageait d'un air interrogateur, et j'eus un peu rire teinté d'une légère hystérie, tandis que, à ma droite, la porte d'acier s'ouvrait de nouveau.
-
- Pardonne-moi, Kaya, j'étais plongé dans mes pensées… Tu disais ?
- Que je serais curieuse de connaître notre future. Pas toi ?
Me demanda-t-elle, avant de s'écrouler sur le sol, tandis qu'un liquide chaud et poisseux me giclait au visage et qu'un bruit assourdissant retentit dans la pièce. Je ressentis une douleur cuisante à l'épaule, alors qu'il me semblait que ma mâchoire venais de partir en morceaux, et la tête me tourna, tandis que j'allais moi aussi à la rencontre du sol.
-
"Maman, tu crois qu'il est mort ?"
Je sursautais presque en entendant cette voix si près de mon oreille. J'avais l'esprit embué, et j'ignorais totalement où et quand j'étais. J'aurais pus ouvrir les yeux, mais la tache que ce geste semblait soudain représenter me rebuta. Il me semblait distinguer des froissements de vêtements, ce qui aurait signifié que d'autres étaient là, autour de moi, mais rien n'était moins sur.
"Non, heureusement. Sinon je n'aurais pas perdu mon temps à lui plastifier sa gueule et à lui recoudre le bras", dit une voix calme et grave, qui, elle aussi, sonnait de manière familière à mes oreilles.
-
- Mais il a l'air pas vivant ! Tu crois vraiment pas qu'il est mort ?
- Non, j'ai dis !
- Mais regarde, il a l'air bien mort…
- Raphaël ! T'es chiant à la fin ! Tais-toi ou je te jure que je te vire d'ici.
Quelqu'un pensait que j'étais mort.
Je me décidais à ouvrir les yeux, pour lui prouver le contraire, mais la lumière vive de la lampe suspendue au-dessus de mon visage m'aveugla, et je ne pus que gémir pitoyablement. Une ombre poussa la lampe, et se pencha vers moi, une main sur mon fond, l'autre prenant mon pouls.
-
- Alors, Bamcock, la sieste est terminée ?
Je me redressais brutalement, jaillissant de mes draps en me cognant à Alec au passage. Mon front me fit mal, mais j'étais trop horrifié pour y penser.
-
- Kaya ! Et… Kaya ? Et les autres ? K… Kaya ! On lui a tiré dessus, elle a perdu plein de… Kaya !
- Du calme, du calme, me dit Alec en me rallongeant, tandis qu'il faisait signe à de Valentin de sortir, chaque chose en son temps. T'es un peu perturbé là, alors je vais t'administrer un tranquillisant.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Et d'abord, j'en veux pas de ton machin, je suis majeur, répliquais-je en reprenant mon bras vers lequel il avancé un seringue au contenu douteux. Je veux savoir comment va Kaya.
- Ca, c'est pas toi d'en décider, mon garçon. Permets-moi de te rappeler qu'ici, t'es majeur à 21 ans, donc pour moi t'en un mineur. C'est à tes parents de décider ce que peux prendre ou pas.
- Mon père n'est pas là, fis-je remarquer en rabattant mon drap sur mon bras dénudé.
Alec ne m'écouta même pas, et, empoignant mon bras avec une force contre laquelle je ne saurais lutter, enfonça la seringue dans une des veines de mon bras.
-
- Mais ta mère si.
Il retira la seringue, après l'avoir vidée dans mon système sanguin, et passa un coton pour désinfecter la minuscule plaie de l'aiguille. Mon regard se posa sur la seule personne qui n'avait encore parler : une femme avec un chignon blond, qui regardait le mur derrière moi. Je détournais la tête, les lèvres pincées.
-
- Ce n'est pas ma mère.
- Simple question de point de vue.
Mattew referma la porte derrière lui, avant de se diriger vers Alec. Je me relevais de mes oreillers. Il était plus facile d'obtenir des informations de lui que d'Alec.
-
- Mattew, m'écriais-je sortant du lit sous le regard peu amène du médecin, Kaya va bien ?
- Je ne suis pas venu pour ça. Recouche-toi. Pour une fois, que tu dormes sera tout bénéf' pour nous, alors profites-en. Je croyais en plus que t'avais plus de bouche.
- T'es con. Je ne veux pas dormir. Je veux voir Kaya.
- Et bien casse-toi, alors. Tu connais la sortie, gueule de plastique.
- Mais qu'est-ce que tu racontes à la fin ? Râlais-je en me passant la main sur la mâchoire. Alec me colla presque un miroir contre la figure, et j'ouvrais la bouche d'un air bovin.
- Voilà ce qui arrive quand on refuse la modernité, imbécile. Ca va te rester toute ta vie maintenant, Me dit Mattew en me contemplant d'un air désespéré.
M'arrachant à la contemplation des cicatrices qui ornaient le bas de visage, je me levais, titubais un peu, et sans même prendre la peine de me chausser, sortis en enfilant juste ma pèlerine encore rougie de mon sang. Au moment où je refermais la porte, j'entendis tout de même au passage Alec et Mattew accompagné du bruit de la seringue que devait ranger Alec.
-
" Et l'enfant ?
- Son père va venir la chercher."
Je ne pris pas le temps de me demander de qui ils parlaient, et je refermais la porte.
Une fois dans le labyrinthe, je n'eus aucun problème à me diriger vers l'ascenseur. Le 10ème étage était comme à l'accoutumé vide; ou, du moins, tous les cobayes d'Alec étaient bien enfermés dans des pièces. Une fois devant les portes de métal, je pressais ma main comme un dingue sur la plaque d'appel, et me jetais à l'intérieur comme un abruti. Il fallait se calmer.
Je ne tenais pas devenir un sosie de l'Heure H, qui passait son temps à gesticuler et à brasser de l'air pour rien. La voix féminine me demanda d'annoncer ma destination, et je lançais le premier, tenant à voir si les autres si trouvaient toujours.
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"La destination : Niveau 1, secrétariat, section de formation que vous avez demandé n'est pas disponible. Veuillez choisir une autre destination ou sortir de l'appareil. "
- Quoi ? Comment ça, indisponible ?!
M'indignais-je, avant de soupirer et de lui demander le 7ème. La voix confirma la destination, et s'arrêta d'abord au 8ème. La porte s'ouvrit, et je me retins de vomir : c'était Asher. Tout sourire, il entra et, après avoir demandé le 3ème, me regarda avec un petit sourire narquois.
-
- Alors, on s'est fait refaire la face, blondin ?
La porte s'ouvrit soudainement et je me ruais au plus vite hors de l'appareil, incapable de supporter son petit sourire une seconde de plus. Au dehors, c'était la cohue. Marcher dans la foule qui bondait le couloir à la recherche d'un visage familier me sembla être une véritable, surtout au milieu de ce bronx. Tout le monde parlait, mais malheureusement, et ça, je m'en voulais car je n'avais jamais réussi à apprendre le Ay, les intonations et sons bizarres qui résonnaient autour de moi m'étaient étrangers à toute signification.
-
- Niiiick !
Quelqu'un me sauta au coup avant même que je n'ai eu le temps de voir de qui il s'agissait. Malgré cela, l'étranglement que j'étais en train de subir me renseigna mieux qu'un coup d'œil sur la personne.
-
- March, j'étouffe…
La femme rousse me relâcha à mon grand soulagement, en larme, et se moucha dans un pan de ma pèlerine.
-
- Niiiiiick ! Pleurnicha-t-elle, on a crut …que toi aussi… Et Monsieur n'a rien voulu nous dire, ni même Madaaaame !
- March, de quoi tu parles ? Lui demandais-je en l'attrapant par les épaules pour qu'elle se calme, et où sont les autres ? Tu sais comment va Kaya ?
March me dévisagea un instant, comme si j'étais demeuré, avant d'avoir un nouveau hoquet et de fondre en larme.
-
– Mais… Ils sont tous mort ! Hurla-t-elle comme une hystérique, alors que l'information montait à mon cerveau. J'ouvrais la bouche pour dire quelque chose, mais aucun son n'en sortit, et elle resta pendue, ouverte.
- Et… Allen, Jenny, … ?
Nouveau sanglot. Je contemplais le parquet, incapable de faire autre chose. Soudain, un détail me revint en mémoire, et je compris de quoi parlaient Mattew et Alec.
-
- Et Marie-Angela ? Kâassie ?
- Dans le 4ème réfectoire. Avec d'autres.
Je ne pris même pas le temps d'ajouter autre chose. Je me fondis de nouveau dans la foule, jusqu'à atteindre au bout du couloir une porte en métal.
Il me fallut bien 5 minutes pour traverser 3 pièces encombrées de monde. Il me semblait que tout le CRPS, à quelques exceptions près, étaient réunis dans cette étage, sans doute pour éviter les mouvements de panique. J'atteignis enfin la dernière porte de métal, et entrais.
Tout me sembla extrêmement vide et calme après le raffut d'à coté. Brighton tenait Kâassie dans ses bras, tandis que Jiè Nerissa, Carlson, Tulliola et Tzipora étaient assis sur une table proche. Aucun d'eux ne me regarda, mais je n'avais d'yeux que pour ma cousine. Je m'approchais de Brighton, et m'accroupissais pour être à la hauteur de la fillette blonde. Je lui caressais les cheveux, et tenta de lui sourire; en vain. L'enfant, elle, ne semblait pas le moins du monde perturbée.
-
- Hé, ça va aller, mon bébé ? Tu te sens bien ?
Kâassie se frotta les yeux, et hocha la tête. Il y eu un moment de silence, que Carlson rompit.
-
- On lui a bien tout expliquer, n'est pas Kâassie ? Tu as tout compris, hein ?
- Ca va, elle a 9 ans, c'est pas une idiote non plus… Fit remarquer Tulliola, et Kâassie descendit des genoux de Brighton.
- Tulliola et Tzipora ont dit que Maman était partit dans le ciel avec les anges et ta maman à toi Mais c'est papa qui va être triste. Lui on lui a pas expliquer où était maman.
- C'est ça princesse, mais on lui expliquera, t'inquiète pas pour lui, la rassura Brighton en souriant. Par contre, en échange, tu devras bien veiller sur lui, maintenant qu'il n'a plus ta maman.
Kâassie hocha la tête d'un air entendu, et alla prendre la main de Tzipora, qui n'avait toujours pas bougée depuis mon arrivée. Son regard lointain et vide me fila la chair de poule, et je détournais les yeux. Avec les années, j'en avais fini par oublier qu'elle était une cousine de Kaya.
-
- Tu m'emmènes voir mon papa, hein ? Tu avais dis que tu m'emmènerais voir mon papa ! Et qu'on irait l'attendre ensemble ! Moi je veux aller attendre mon papa !
Pleurnicha ma cousine en la tirant pour qu'elle se lève. Tzipora posa un regard délavé sur l'enfant, et, laissant échapper un borborygme affreux, elle se leva mollement, et suivit Kâassie d'une démarche de zombie. La fillette blonde s'arrêta néanmoins devant moi, et me tendis quelque chose. C'était une petit galet, donc la forme étrange d'étoile avait été usée au fil des ans. Je lui adressais un bref sourire avant de le mettre dans ma poche, et elles disparurent par la porte de métal qui s'ouvrait sur le brouhaha ayan, et qui se referma dans un bruit lugubre, plongeant la salle dans le silence.
-
- 27 mort, s'étrangla Tulliola en brisant la lourde atmosphère qui nous entourait, 27. Soit 9 %. Même au temps de la guerre, nous n'avons pas eu autant de pertes. 27…
Répéta-t-elle avant de se laisser tomber sur la table. Carlson et Jiè Nerissa n'avaient toujours pas bouger depuis, se contentant de regarder le sol, et Brighton s'obstinait à éviter mon regard.
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- Et les survivants ? Ils y en a bien eux d'autres que nous trois ?
Sourire morbide de Brighton.
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- Carlson s'est planqué derrière un bureau, toi tu a été laissé pour mort, et Kâassie a été épargnée, mais ne les a pas reconnu. Kaya, Tai, Marie-Angela, Milena, Allen, January, Mard, et Zite sont morts sur le coup dans le bureau après une première rafale. Waldeck et Alwin sont arrivés par la porte opposée, et se sont fait descendre direct. Léonie, Vaast, Isaura, Maura, Morvan, Vaïna, Vassilli et Dorian, éparpillés dans le couloir central. Rena et Bastien étaient dans leur bureau. Osanna, Palmyre et Nello, pareil. Anastasia n'a été qu'égratignée au front. On peut pas en dire pareil de ses sœurs. Jutta et Lavinia sont dans un sale état. Enfin, Guérin et… Stanley ont succombés de leurs blessures il y a deux heures, dit-il en comptant sur ses doigts. Tzipora n'a pas encore encaissée le choc je crois.
- Personne ne la encore "encaissé", Brighton, et je te rappe…
- Comment ça, "les" ? Demandais-je en réalisant soudain ce que Birghton venait dire, tu veux dire que vous savez qui ils sont, non ? Et qu'ils étaient plusieurs ?
Le silence revint à une vitesse impressionnante.
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- Charles et Lidwij sont partis. Garett aussi. Je… Charlotte est en état de choc en bas. Claes est avec elle depuis. Elle semblait persuadée qu'ils l'emmèneraient avec elle.
- Mais au final, qu'est-ce que ça change qu'elle soit ici, ou avec eux ?
Demanda Brighton, atterré. Carlson soupira, et ce fut Jiè Nerissa qui prit la parole.
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- Ils cherchaient à… accélérer les choses. Cette fois, la machine est véritablement en marche.
- Et en français de base, ça veut dire quoi ?
- Le dénouement approche, et plus rien ne peut l'arrêter désormais. C'est le début de la fin.
Le temps s'écoule d'une manière qui échappe totalement à la pensée humaine. J'avais l'impression que des années s'étaient écoulées quand Mattew et Alec me traînèrent jusqu'à ma chambre pour m'éviter dormir sur une table. Après, il me sembla que tout autour de moi était en suspension, comme sur un mode pause de film. Peut-être était-ce le cas, ou bien était-ce du au bref coup de téléphone que j'avais passé à ma sœur. Naturellement, le simple ton de mon "Allo" avait suffit à la rendre hystérique, et elle se mit à hurler quand je raccrochais à la fin. Comprendre mon monde n'était pas dans sa nature. Ni dans celle de mon père. Mieux valait les laisser heureux dans leur bulle de bonheur qui m'était devenue étrangère. Alec me fit reprendre des tranquillisants, mais cette fois, je ne bronchais pas. L'état d'énervement dans lequel j'avais été avait laissé place à ma mollesse habituelle, et avec elle, l'envie de dormir.
Pourtant, le sommeil ne vint pas. Je passais et repassais dans ma tête les paroles qu'avait prononcé Asher, et son rire qui résonnait à mes oreilles me donnait envie de vomir, au fur et à mesure que je prenais conscience du sens de ses propos.
Le lendemain, alors que je le questionnais Alec m'apprit que les frontières du Royaumes avaient été fermées pendant la nuit et que l'on s’occupait de transférer en urgence les derniers vénusiens souhaitant migrer vers les planètes capitalistes.
-
"Du coup, on ne pourra pas assister à l'enterrement de Kaya et Stanley, me dit-il en prenant ma température, car leurs parents les enterrent sur leurs planètes.
- Ca à dut être un coup dur pour eux j'imagine.
- Sûrement.
- Toi, tu n'as pas eu d'enfants… Même au tout début ?"
Alec se désintéressa trop subitement de moi pour paraître naturel, bien qu'en surface, il paraissait aussi imperturbable que si je lui avait demandé ce qu'il allait mangé à midi.
-
- Ma fiancée s'est tirée 5 semaines avant le mariage pour un type avec qui ça n'en a durée qu'une.
- Désolé pour toi.
- C'était il y a longtemps. Et j'imagine que je l'avais cherché. Pour ce qui est des enfants, demande à Mattew, me dit-il en remballant ses affaires dans sa mallette.
- Lui parler de Lizzie ? Je tiens à ma tête.
- Tu ne devrais pas. Elle est vide. Et il aboie plus fort qu'il ne mort.
- Je sais, soupirais-je, mais c'est comme si je demandais à mon père "raconte-moi toi et June", soupirais-je en me laissant retomber sur mon oreiller.
Alec ne sourcilla pas, et je faillis lui demander s'il la connaissait. Il m'adressa un bref signe de la tête, et sortit de ma chambre, en laissant entrer un gamin maigrichon aux cheveux d'un noir de jais et d'un regard bleu azur. Je détournais la tête, toujours aussi gêné de voir sur son visage une toute autre personne, pourtant si différente de celle qui se laissait tomber sur mon lit -et mes jambes- en ce moment.
-
- Grand frère ! Tu te sens mieux maintenant, c'est bon ? Je peux reprendre m'man?
- Junior, Dydime est pas un objet, soupirais-je, et un bonjour ne t'écorchera pas la gorge. Tu veux que je dise au vieux Mid de te botter les fesses ?
- Mid a plus Isaure maintenant, alors je pense qu'il a autre chose à faire que de s'occuper de moi. Et pis tu sais que Asher il t'appelle gueule de plastique, alors c'est toi qui t'écorche, d'abord !
- Tu as réponse à tout, toi…
Alors que de Valentin se mettait à rire, quelqu'un d'autre entra dans ma chambre, et fixa son regard sur le carré blond. Mattew fit un pas vers elle, avant de se retourner et de me demander s'il pouvait user de ma bonté en m'empruntant ma garde-malade. Je grognais en guise de réponse, et il l'attrapa par la main pour l'entraîner hors de la pièce. Encore une fois, je détournais les yeux; l'expression de sa figure me donnait envie de lui balancer quelque chose à la figure. Raphaël sourit à son père, avant de se retourner vers mi et de mettre mon tibias en charpie.
-
- Ben alors, grand frère, tu fais l'autruche ? Me demande-t-il en arrachant la couverture qui couvrait mon visage.
- Non, je peux juste plus voir ton visage de garnement saoulant.
- Très drôle ! Dis, au lieu de me dire des bêtises, tu as vu qui s'était qui avait fait des trucs pas bien à tout monde, hein ?
- Junior, tu sais très bien que je ne peux pas voir le passé.
S'il ne perçut pas l'agacement dans ma voix, moi si.
-
- Je crois que tu étais un prévis. Papa a dit qu'un prévis voyait tout. Pourquoi tu vois pas, alors ?
Il n'y avait rien de pire que les questions pertinentes de de Valentin. Elles avaient le don de m'envoyer au tapis en me rappelant à quel point j'étais inutile. Et elles m'obligeaient toujours à me forcer de faire des choses que je n'avais pas envie. Des choses essentielles, mais qui m'ennuyaient.
C'était donc en traversant un rez-de-chaussée bondé par les vénusiens désireux de partir d'Aylan que je me dirigeais vers un des petits couloirs réservés à un nombre restreint de membres du CRPS. Je redoutais autant que je voulais ce que je m'apprêtais à faire, sachant que cette étape était nécessaire.
Nous n'étions plus qu'à deux mètres cinquante de la surface du sol, et pourtant la chaleur étouffante m'asphyxiait déjà. Une fois dans le couloir qui m'intéressais, je passais devant une gigantesque poterie informe, et ouvrais la troisième porte à gauche. C'était là.
Je reconnu immédiatement la pièce. Ils appelaient ça « l'issue de secours ». Un moyen rapide de regagner la surface en cas de pépin.
Une salle donnant sur l'extérieur.
D'une hauteur de 8 mètres, elle était peu large mais combinait une salle du monde souterrain et une du monde de la surface. La pièce était coupée en deux au niveau de la frontière avec un mur symbolique, mais le trou pratiqué dedans restait d'une taille plus que correcte au travers duquel on aurait pu faire passer 5 Heure H en même temps.
Et pourtant, ce n'était ni sa taille, impressionnante pour le monde d'où je venais, ni pour l'air chaud ou le contacte avec un autre univers que j'étais venu ici, mais pour ce quelle abritait.
-
« Je t'attendais, Nicolas Bamcok. »
Son regard atone se posa sur moi et, dans un mouvement du bras qui fit s'agiter les gigantesques tissus qui formaient sa robe, elle m'invita à entrer. Je fis un pas. Puis un autre. Enfin, je finis par me diriger, le plus dignement possible et sans cesser de la surveiller du regard, vers l'unique banc de bois que contenait la pièce de mon côté. Je m'assit dessus prudemment, contemplant la tête tournée vers l'autre côté de la salle mon cauchemar personnel du moment.
-
- Lestra… Murmurais-je en regardant ce visage si familier. L'autre se contenta de continuer à me fixer, un mince sourire ironique sur les lèvres.
- Comment fais-tu, toi ?
Ma voix, qui me paru étrangement aiguë, brisa le silence de la pièce saturée d'humidité. Lesterelle tourna vers moi sa tête d'un air las, et soupira bruyamment, l'air d'avoir parfaitement comprit où je voulais en venir.
- « Voir loin, c'est voir le passé », cita-t-elle en reportant son attention sur le mur de gauche. Il y a longtemps que je ne rêve plus du future. Après tout, que pourrons-nous y changer au fond ? Si nous ou quelque d'autre doit mourir, nous ne pouvons que retarder l'échéance, rien de plus. A quoi cela nous amènerait-il ? Nous mourrions tous un jour. Le future est sans intérêt.
- Mais plus simple d'approche.
- Certes, en convint-elle.
Elle rajusta son châle sur épaules, avant de se passer les mains autour du coup. Pendant un instant, je la regardais sans comprendre, avant de regarder le médaillon qu'elle retira avec un air dubitatif. Elle sourit.
-
- Si tu as du mal, au début, utilise ce genre de chose. Un objet peut-être très utile pour se concentrer, comme ce pendentif… Ou ce que tu as dans ta poche..
Elle le rattacha, alors que je tâtais ma poche et sentit le galet, puis se détourna totalement de moi, m'imposant son dos, et je compris que l'entrevue était terminée. Je me levais et me dirigeais vers la porte, quand sa voix retentit à nouveau dans la pièce.
-
- Fie-toi aux signes. Vas jusqu'au bout.
Je refermais la porte violemment, avant de me précipiter vers le couloir central.
-
"Echec"
- Et schisse… Râla Asher en tapant du pied.
- T'es pas au niveau l'Heure H, même contre Carlson. Laisse tomber ce jeu, débile, dis-je en traversant la chambre de Carlson où ce dernier et Asher se disputaient désormais pour savoir si untel avait triché ou non.
- T'es dur, là ! Me dit Lolita, en se frottant le front, Ash n'a perdu qu'en 5 coups cette fois ! Une petite partie ?
- Nan, merci, ma Lolita, mais je dois aller discuter de quelque chose avec Monsieur.
- Nicolas... Soupira-t-elle en commençant à se lever, mais je l'arrêtais.
- Il le faut, okay ?
Lolita se rassit, ses yeux me lançant des éclairs.
Je baillais, et revenant dans le couloir, atteignis la chambre opposée. Je frappais deux coup, et entrais dans cet endroit si familier. Raphaël n'était pas là, et j'en fus content.
-
- C'est pas souvent que tu viens voir un vieux de ton propre grès.
- Salut, Mattew, lui répondis-je en me dirigeant vers le fauteuil où il était allongé tête vers le bas.
- 'lut. Qu'est-ce que tu me veux, Nico ? Si c'est au sujet de Asher, tu peux te casser.
- Pas vraiment.
- Dans ce cas, assois-toi.
J'obéis, comme toujours, et m'assis en tailleur sur le sol, attendant qu'il m'autorise à lui adresser la parole.
-
- Alors, c'est quoi ton problème ?
- J'ai vu Lestra.
- Oh, dit-il en grimaçant, ça c'est pas très malin.
- J'ai plus que tardé. Il est tant pour moi de rester ici définitivement, je pense. Je… Je ne ferais qu'aggraver les choses en m'attardant.
Mattew se contenta de continuer à regarder le plafond, et j'eus la très nette impression qu'il n'avait rien écouté.
-
- Est-ce que… tu crois que je lui manquerais ?
La douleur que je ressentis à l'arrière du crâne m'indiqua que je venais de me prendre un coup. Mattew se rassit correctement dans son fauteuil, et me frappa à nouveau sur le crâne.
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- Qu'est-ce que je t'ai appris ? Me demanda-t-il.
- De jamais faire confiance à Asher.
- Et encore ?
- De jamais manger un plat de Asher, dis-je en comptant sur mes doigts.
- Oui, et ?
- De pas jouer aux plus idiots qu'Asher.
- Exactement. Et là, j'ai crus avoir une crise cardiaque avec tes bêtises. Tous les parents aiment leurs enfants, okay , Sauf les Karasu, mais ça, c'est autre chose.
- Hein ?
- Non, laisse tomber, me dit-il.
Il y eu un moment de battement. Le silence me semblait soudain pesant, mais êtes-ce peut-être à cause de ce que je voulais lui dire.
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- Et Lizzie, elle te manque ?
Mattew se contenta de me fixer, avant de se mordiller la lèvre inférieure.
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- Tout le temps, finit-il par dire. Mais ce n'est pas le pire. Ce n'est plus qu'un souvenir, et je lui le seul à me rappeler d'elle. Mais je l'ai oublié. Je suis presque incapable de relier son nom à un visage désormais. Mes souvenirs s'estompent. C'est le pire.
Il se leva de son fauteuil, et je détournais les yeux, préférant regarder le sol d'ocre.
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- C'était tellement étrange, continua-t-il soudain, tellement… bizarre ! On aurait dit qu'elle dormait toujours… Qu'elle dormait juste, et qu'elle se réveillerait. Mais non.
- Et…
- Ma femme l'avait étouffée avec un oreille. Je me suis donc débarrassé du tout à l'aide de mon beau-frère et de ma sœur, à l'hôpital. Mon épouse s'est ensuite internée dans l'hosto que tenait son père. Voilà toute l'histoire de ma merveilleuse existence. Elisabeth morte, je n'avais plus rien.
J'en avais assez entendu comme ça. Je me levais d'un bond, et me dirigeais vers la porte. Inutile de raviver d'avantage la plaie.
Je posais ma main sur la poignée de la porte, quand je me rappelais ce qu'avait dit Lesterelle. Qu'il fallait poser toutes les questions… Je serrais les poings en priant pour m'être trompé, et sans me retourner, demandais :
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- Mattew… Comment s'appelait ton épouse ?
- Dydime Bamcok.
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"Nicky baby ?"
Je sursautais brutalement. Kaya me dévisageait d'un air interrogateur, et j'eus un peu rire teinté d'une légère hystérie, tandis que, à ma droite, la porte d'acier s'ouvrait de nouveau.
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- Ka… Kaya ?! Mais qu'est-ce que…?!
- Je serais curieuse de connaître notre future. Pas toi ?